Quand on me demande qui est mon photographe préféré ou celui qui m’inspire le plus, je réponds souvent :
Le Caravage (1571-1610)
Le Caravage, craie sur papier par Ottavio Leoni, vers 1621, Florence
Alors effectivement, ça peut paraitre curieux. Premièrement il est mort bien avant que la photographie ne soit inventée et « pire » encore, ce n’était pas un photographe mais un peintre… et pourtant !
Et ce n’est pas la nature (le plus souvent des représentations de scènes religieuses) de ce qu’il a peint ou ce qu’il a représenté qui m’émeut tant mais la façon dont il l’a fait, le regard qu’il y a posé, la nature et la précision de ses ombres et de ses lumières, si photo-graphique.
Car c’est là (et on l’oublie souvent) l’essence même de la photographie : « photo » qui signifie lumière-clarté en grec et « -graphie » (graphein) qui signifie peindre, dessiner ou écrire.
Le Souper à Emmaüs, 1606 conservé à la Pinacothèque de Milan
Michelangelo Merisi da Caravaggio dit «Le Caravage» maitrisait une série de technique qui sont à l’origine même de la photographie d’après plusieurs études *.
Il aurait mit en place le procédé optique décrit par ailleurs par Léonard De Vinci , « une chambre noire » (très connu des photographes) ou ses modèles éclairés étaient par un trou d’ou filtrait la lumière, celle-ci projetée sur une toile par le biais d’une lentille et d’un miroir. Une préparation composée d’éléments sensibles à la lumière était enduite sur la toile de manière à fixer l’image.
Il plongeait donc toute sa scène dans le noir complet avant d’y éclairer que ce qu’il voulait y montrer à l’aide de miroirs. Ainsi prenaient vie les « clair-obscurs » propres à Le Caravage et cette lumière si photographique et par extension peut-être même les premières images de studio.
Si aujourd’hui je considère Le Caravage comme mon « photographe » préféré, c’est non pas parce qu’il utilisait cette technique mais parce que la base de la photographie c’est la qualité des ombres, parfois négligé en inondant de lumière et pourtant essentielle pour marquer les reliefs.
A chaque fois que j’ai la chance de voir une de ses œuvres je reste en admiration devant la précision de ses ombres qui sont (et ce n’est pas toujours le cas même chez d’autres maitres) parfaitement justes.
Salomé avec la tête de saint Jean-Baptiste, entre 1606 et 1609, National Gallery de Londres
Alors oui, pour moi, le plus grand photographe est un maitre… de la peinture.
* Ref : Etudes de Roberta Lapucci, enseignante à la Saci, l’école américaine d’art de Florence.